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N.

Ce voile de fumée, ce nuage de neige fondue, de brouillard, de feuilles mortes et qui ne renaîtront pas, cette tentation de ne pas être là, cette obligation d'être là, cette envie de rendre son ticket, de démissionner. On dirait moi.


La souffrance n'est jamais si rude quand c'est la sienne propre qu'on porte. Elle n'est jamais si redoutable.


N. porte imprimé à même la peau le souffle des anciens vivants, leur espoir débile, leur innocence. C'est une deuxième peau. Elle frémit quand on la caresse. Il déteste quand je la vois. Il voudrait l'arracher de lui, il n'y a aucun droit. Elle frémit au moindre souffle de vent, elle gémit, elle pleure le temps qu'elle n'a pas eu, la paix violée, les spectacles qui font regretter d'être né, d'avoir mis tout ça au monde, regretter le monde, rêver d'un anéantissement plus radical que tout ce que ma pauvre tête d'écrivain, à moi, pourra jamais rêver.


Cette peau est là, posée sur lui, et elle avance dans le monde à visage découvert, endeuille son sourire, son désir même parfois, son goût de vivre, endeuille son toucher, ses caresses qui ne prennent qu'imparfaitement, qui ne se nourrissent qu'imparfaitement du plaisir qu'il prodigue aux vivants, eux si innocents, si inconscients des générations qui se disputent sa vie à lui, courte et fragile comme elles le sont toutes.


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