On n’écrit qu’avec le coeur de son coeur, cet endroit de moi-même où la femme en moi tient serré en elle un homme, tenu serré, personnel, bien que dépourvu de visage et de nom. Et cet homme c’est elle-même quand à minuit et dans la solitude de son lit elle se donne à elle-même comme un autre à soi-même et là, dans le silence confondant de sa pensée, elle s’approche comme une chose demeurée longtemps étrangère et que l’on a rêvé d’ouvrir entre ses mains et dont on a rêvé de posséder le coeur dénudé par les mouvements contradictoires de ses propres mains. Et je suis enserrée en moi-même comme un noyau dur et compact qui se perd sous un amas de feuilles, il faudrait une infinité de mouvements prodigués par deux mains contradictoires pour mettre à nu cette chose enfouie qui devrait bien me ressembler, s’il était permis d’y regarder de près. Que ferais-tu, pauvre petite chose dure et durement étreinte, si tu te découvrais parfaitement non ressemblante, différant de toi-même comme seuls savent différer ces frères de sang qui se ressemblent si peu que l’on met en doute la bonne foi de leur mère commune ?
