Oh mais qui m’a mise là
Qui m’a fait venir ici sans me sanctifier
Sans sainteté sans un regard sur moi
Mise là pour rien parce que j’y étais déjà
Prise pour argent comptant prise pour quoi
Sans me dire ni me dévorer des yeux
Pour me dévorer en douce comme un bien mal acquis
Dont on jouit en secret en vitesse dans la cave
Et dont on dissimule le reste inexorable
Aux yeux curieux des passants de dehors
Qui, qui m’a mise là
Au monde pour que je n’y sois pas
Moi-même mais quelqu’un d’autre qui n’existe pas
Et dont je dois chaque jour décliner le nom faussé
Chaque jour de ma vie et même sur ma tombe
Je le déclinerai encore comme un nom qu’on ne saura jamais par cœur
Et qu’on ne dira jamais sans crainte de se tromper, de se trahir
Et cette autre lignée secrète dont je viens et que je trompe chaque fois que je décline
Les lettres bien rangées de mon nom de faussaire
Fossoyeur avant l’heure de mon nom véritable
Qui m’a mise là oh ma mère quel père
Qui ne me reconnaît pas que je ne connais pas
C’est un silence intime où je trébuche chaque fois
Je suis voilée d’un voile qu’on ne soulève pas
D’un voile qui voile plus sûrement qu’aucun voile visible
D’un voile transparent, d’un voile qu’on ne voit pas.
Qui m’a mise là ? Serait-ce moi-même ? Non, cela ne se peut pas.
Qui m'a mise là ?
